Les traumatismes de l'Empire.
Expressions, effets et usages des violences (post)coloniales.
Montpellier, MSH-M, 6 - 7 décembre 2012.
Les recherches sur les dynamiques impériales permettent, depuis quelques années, de renouveler l’appréhension des questions coloniales et postcoloniales (Cooper 2005). Elles engagent en effet à s’affranchir d’une histoire strictement nationale pour mieux approcher la dynamique des sociétés et des groupes en déplacement, et incitent à approcher les politiques d’États en rendant mieux compte de l’espace de négociation qui les anime dans leurs relations avec les populations placées sous domination coloniale et postcoloniale. L’usage de la notion d’Empire permet ainsi de ne verser ni dans la vision unilatéralement « par le bas » des subaltern studies, ni dans la vision parfois trop textualisée ou trop centrée sur les seules représentations et imaginaires des « études postcoloniales ». Elle invite à penser le contact des populations de manière symétrique et à le situer dans leur espace social de pratiques. Elle invite également à repenser le lien métropole-colonie et à rompre avec l’idée souvent inconsciente d’un « âge zéro » de l’histoire correspondant à la conquête ou la gestion coloniales, en prenant également en considération les dynamiques sociales antérieures à la colonisation (Bertrand 2011).
Le colloque souhaite réunir des communications qui, à partir des attendus de la problématique impériale, feront travailler la notion de traumatisme, dont D. Fassin et R. Rechtman ont retracé la généalogie (2006). A rebours des discours convenus sur les non-dits et les tabous du fait colonial dans la France du 21e du siècle, il s’agira d’abord de constater la profusion des paroles et des écrits qui caractérise notre époque, au risque des raccourcis et des amalgames. Il s’agira ensuite d'interroger l’historicité propre aux situations coloniales et postcoloniales : les terrains peuvent porter sur les situations coloniales, voire pré-coloniales si les sources le permettent, comme sur les situations postérieures à la colonisation. Il s’agira enfin de poser à nouveaux frais la question du déploiement, des usages et des effets de la violence en situation coloniale et/ou postérieure à l’occupation coloniale, sans réduire pour autant cette situation à l’exercice de la violence. Une difficulté évidente réside dans les usages concurrentiels du terme même de « traumatisme », appliqué indifféremment à des individus et à des collectifs, à propos de situations de violences loin d’être commensurables en elles-mêmes (des violences physiques attestées à la violence symbolique la plus désincarnée) et dans leur historicité (de la mémoire pluriséculaire de la colonisation aux chocs les plus immédiats des violences de guerre, le moment de manifestation du traumatisme étant un enjeu central des débats). Trois entrées seront privilégiées pour sélectionner les propositions de travaux empiriquement fondés.
- La première consiste à interroger le terrain en faisant travailler la notion de traumatisme dans son acception récente, qui consiste à mettre fin au soupçon à l’égard des victimes de violence ou des individus souffrants en déplaçant l’attention sur les situations vécues plutôt que sur les caractéristiques individuelles. Il s’agit de contrôler l’anachronisme en examinant les modes de (dis)qualification des situations qu’on qualifierait aujourd’hui de traumatiques, les conditions d’impossibilité de la prise en compte des victimes de violence comme telles, les moments de basculement dans la condition de victimes ou d’extension du domaine des victimes.
- La deuxième entrée met l’accent sur les savoirs et leurs usages, sur les mises en traumatisme savantes, indigènes et/ou « profanes » et s'attache à saisir les usages politiques qui en sont faits. Elle accorde, au-delà des catégories de discours, la primauté de l’attention socio-historique à l’examen
des pratiques.
- La troisième entrée vise la mise en critique des instrumentalisations mémorielles dans nos sociétés, dont C. Charle (2001) a montré qu’elles n’ont sans doute jamais été aussi « impériales » qu’aujourd’hui. L’analyse porte alors sur la construction sociale et historique de groupes de victimes, la production de frontières entre les groupes (comme bourreaux/victimes/témoins), la modification des représentations légitimes (quand les bourreaux deviennent aussi des victimes), les formes de la politisation de ces luttes de qualification.
Envoi des propositions à : traumatismesempirecolloque@gmail.com
Date limite de proposition : 15 mai 2012
Sélection des propositions : 15 juin 2012
Responsables : Sylvain BERTSCHY (Montpellier 3), François BUTON (CNRS-CEPEL), Éric SORIANO (Montpellier 3)
Comité scientifique : Alban BENSA (EHESS-IRIS), Romain BERTRAND (CERI-Sc Po), Jean-Michel
GANTEAU (Montpellier 3), Sylvain LAURENS (Limoges), Isabelle MERLE (CNRS-IRIS), Paul PANDOLFI
(MSH-M), Laure PITTI (Paris 8), Richard RECHTMAN (EHESS-IRIS), Frédéric ROUSSEAU (Montpellier
3), Emmanuelle SAADA (Columbia), Éric SAVARESE (Nice-CEPEL).
Éric SORIANO,
Centre de recherches sociologiques et politiques de Paris (CRESPPA),
UMR 7217, Équipe CSU
Maître de conférences en science politique
à l'Université Paul Valéry (Montpellier 3)
Route de Mende
34 199 Montpellier cedex 5