Le prochain congrès de la SAES se tiendra à Lille les 21, 22 et 23 mai 2010. Voici le texte de cadrage sur le thème retenu : "A l'horizon".
A l'horizon
A l'occasion du cinquantenaire de la SAES, nous nous proposons de regarder « à l'horizon ». Entendue littéralement, l'expression convoque en premier lieu des images de marins scrutant l'horizon, essayant d'apercevoir ce dont sera fait leur destin : la terre, un autre navire, une baleine blanche. Car scruter l'horizon, c'est aussi toujours, au sens figuré, essayer de déchiffrer, d'anticiper l'avenir. « A l'horizon ! » peut encore s'entendre comme une exhortation, l'indication d'une direction à suivre : « à l'horizon ! » comme « à l'abordage ! » Il faut alors souligner le caractère paradoxal de la notion. Par définition, l'horizon est ce que l'on n'atteint jamais,
puisqu'il recule à mesure que l'on s'avance vers lui. Mais si l'on fait toujours reculer l'horizon, c'est parce qu'il est délimité par le regard de celui qui l'observe. L'horizon comme borne, donc (du grec horizein : borner, définir), comme limite déterminée par notre propre regard : on peut aller vers l'horizon, faire reculer l'horizon, mais en s'avançant vers lui on reste toujours chez soi. Comment sortir de chez soi ? comment « crever l'horizon » ?
Dans le domaine littéraire, la thématique proposée invite à explorer tant la littérature de voyage, les récits d'aventures et d'exploration, les romans maritimes, que la littérature d'anticipation. Plus généralement, tout ce qui relève de la quête matérielle ou spirituelle, scientifique ou
artistique, de l'invention ou de la création (cf. Blake, The Book of Urizen.) On pourra s'interroger sur ce qui oriente le devenir des personnages, l'horizon d'attente du héros dans le roman d'éducation (Great Expectations), des jeunes filles à marier chez Jane Austen, ou encore des
clochards de Beckett. On se posera la question des modalités de la construction d'un horizon d'attente pour celui qui écrit comme pour celui qui lit.
En civilisation, on pourra s'intéresser au voyage en mer comme motif fondamental de la culture anglo-saxonne, avec son lot d'espérances et de désespérances (l'épopée des grands navigateurs, de Drake à Darwin, le voyage des Pères pèlerins, la sinistre « traversée du milieu », la traversée des émigrants irlandais fuyant la Famine à bord des « coffin-ships ».) L'horizon, c'est aussi le mythe américain de la Frontière que l'on fait toujours reculer devant soi dans un mouvement d'appropriation de l'espace. Inversant la perspective, on pourra aussi envisager l'Angleterre ou les Etats-Unis comme terre promise, terre d'immigration, terre d'accueil et de désillusion,
et se demander si le modèle occidental reste encore l'horizon du reste du monde. On s'interrogera enfin sur la pensée de l'avenir au cours des époques passées, l'horizon comme dynamique et comme limite symbolique, sociale et économique (historicité de la notion de déclassement et d'ascension sociale par exemple), géographique (pour les migrants), cognitive (pour les scientifiques), culturelle et politique.
Existant pour qui observe ici et maintenant, l'horizon, en linguistique, s'inscrit dans la problématique de la subjectivité, de l'énonciation et de la deixis. Le proche, le lointain, l'au-delà résultent d'une organisation de l'espace selon une perspective où cette limite du visible,
parfois zone d'indétermination, est aussi la frontière de l'invisible, entre perception et spéculation. L'horizon invite donc à étudier,outre la structuration de l'espace, la différence (l'opposition ?) du fini et du non fini, du déterminé et de l'indéterminé et, plus généralement, puisque cette limite suppose un point de vue, les conceptualisations des sujets parlants/pensants, la construction des notions et des occurrences, du sens et des références.
La pulsion exploratoire est aussi celle de la recherche, et la thématique choisie invite à une réflexion d'ordre épistémologique. Il s'agira de faire un tour d'horizon de nos disciplines et de nous interroger sur leur avenir : quelles sont les perspectives d'évolution des objets, des champs du savoir et de leur découpage, des outils théoriques, des méthodologies ? Dans quelle mesure ces éléments déterminent-ils nos productions scientifiques elles-mêmes - où, pour le dire autrement, quels sont les horizons d'attente de nos propres disciplines ? Et comment dépasser l'horizon, la borne, comment ne pas nous laisser limiter dans nos pratiques ? Ce qui pose
inévitablement aussi la question du rapport du politique et de la recherche. Ainsi l'aberration de l'oxymorique « culture du résultat » appliquée au domaine de la recherche : car il s'agit toujours de faire reculer l'horizon, pas de l'atteindre. Voire même de le perdre de vue : car être dans le
brouillard, dans le noir, est une étape essentielle du trajet du chercheur.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
1 commentaire:
Le terme "horizon" englobe de nombreuses connotations. Spacio-temporel, avec la conquête de l'espace, c'est à dire dominer la nature "sauvage", comme le firent les premiers colons britanniques sur cette terre qui deviendra les Etats-Unis, temporel, car il s'agissait de discipliner à la fois l'espace mais les occupants de cet espace, cf les sorcières de Salem. Mais au-delà de cette notion spaciale ou temporelle, il convient d'ajouter une autre dimension, celle prise en compte par des communautés repliées sur elle-mêmes, comme les Amish. Le mot horizon prend alors le sens de limite territoriale, espace à la fois ouvert et clos dans une époque où le temps les valeurs, les normes sont enfermé dans une unité de temps où seuls les membres ont de par leur idéologie crée leur propres codes les enfermant ainsi dans un territoire où l'horizon est limité et délimité par des frontières naturelles qui emprisonnent les membres. Ce sont rivières où montagnes qui limites des church districts. Horizon géographique , limite territoriale imposée ou subie, l'homme se définit par rapport au territoire qu'il occupe ou qu'il convoite. Fictive ou naturelle, l'homme imagine son horizon , se projette ou s'enferme.
Enregistrer un commentaire