Jeudi 5 et vendredi 6 juin 2014
Colloque international organisé par
l’Université de
Cergy-Pontoise et l’Université Paris Diderot – Paris 7
Responsables :
Karine Bergès, MCF civilisation espagnole contemporaine,
Université de Cergy-Pontoise
Alexandrine Guyard-Nedelec, MCF civilisation
britannique contemporaine, Université de Cergy-Pontoise
Florence Binard, MCF HDR civilisation
britannique, Université Paris Diderot – Paris 7
Conférence
d’ouverture : Christine Bard, Professeure
d’histoire contemporaine à l’Université d’Angers et présidente de l’association
Archives du féminisme.
Conférence de
clôture : Elsa Dorlin, Professeure de
Philosophie politique et sociale à l’Université Paris 8 –
Saint-Denis Vincennes
Ce colloque ambitionne, dans une
approche pluridisciplinaire et comparée, de mener une réflexion autour des féminismes
depuis la fin des années 1990 à aujourd’hui. Il se veut ouvert à toutes les
approches des Sciences humaines et s’inscrit dans le prolongement des travaux
du séminaire « Femmes et engagement » de l’université de
Cergy-Pontoise. Si des
recherches foisonnantes ont été menées au cours des dernières années sur
l’histoire du féminisme, si des colloques ambitieux ont été organisés autour de
la généalogie des féminismes,
nous souhaitons par le biais de cette rencontre, élaborer une cartographie des
féminismes des années 2000, décennie qui semble être un terreau fertile à une
redynamisation du militantisme féministe avec l’avènement d’une nouvelle
génération de féministes et la création de nombreux collectifs aux contours
multiples. Ce bouillonnement militant, cette visibilité et vitalité retrouvées
nous conduiront à dresser un état des lieux des féminismes contemporains,
déclinés au pluriel, tant la troisième vague féministe condense une diversité
de discours, de pratiques et d’identités multiples.
Si une typologie en termes de vague
est régulièrement remise en question par l’historiographie féministe, elle a
pourtant « le mérite de mettre l’accent sur les différents
changements épistémologiques qui, bien qu’ils se soient produits de
façon
graduelle, marquent l’histoire du mouvement féministe ».
Ainsi, ce colloque interrogera le concept de troisième vague à l’aune de
ses
diversités, de ses contradictions, de ses identités plurielles et de
l’hétérogénéité de ses répertoires d’action. Le concept de troisième
vague a
fait l’objet d’une ample théorisation dans les pays anglo-saxons :
conceptualisé pour la première fois aux Etats-Unis en 1995,
il s’est enrichi de nouveaux apports au cours des années 2000 qui ont
été complétés par les études des chercheuses canadiennes entre 2005 et
aujourd’hui.
En revanche, les ouvrages publiés en France sur le sujet, à l’exception
des
travaux d’Elsa Dorlin qui font autorité,
sont rares, tant le concept de troisième vague est sujet à controverses.
En
effet, ce dernier questionne directement la « mutation du sujet du
féminisme »
et nous oblige à décentrer le regard sur les enjeux et les conflits qui
animent
les féminismes du temps présent.
Les réticences à
employer l’expression de « troisième vague » dans l’espace européen
s’expliquent également par le fait que la « troisième vague est plus une
question d’idéologie que de génération ».
Toutefois, les théoriciennes féministes s’accordent sur le sentiment que
« quelque chose de nouveau vient de commencer » et sur la pertinence d’employer l’expression troisième vague au sens d’étape la
plus récente du féminisme. Le colloque sera ainsi l’occasion d’aller au-delà de
ces questionnements et de valider ou non la possibilité que les féminismes de
la fin des années 2000 puissent ouvrir la voie à la consolidation d’une
« quatrième vague », qui pour l’heure est vide de cristallisation
idéologique, mais qui prend corps sous de multiples appellations : «jeunes
féministes », « nouveaux féminismes », « féminisme du temps
présent », « féminisme du troisième millénaire », « féminisme du XXIe siècle »,
« post-féminisme ».
L’objectif de cette
rencontre sera donc l’occasion de penser les enjeux du féminisme contemporain
et de comprendre comment ce concept de troisième vague est aujourd’hui décliné,
resignifié ou réinvesti à l’échelle européenne à partir des apports, influences
et emprunts des discours et des répertoires d’action transnationaux, en
particulier anglo-saxons. Nous nous proposons d’articuler ces réflexions autour
de deux grandes problématiques en partant du postulat que le féminisme
contemporain a pour objectif de réconcilier la théorie féministe et la praxis
militante, la recherche académique et l’engagement de terrain.
Un premier axe d’études
interrogera la réflexion théorique autour du concept de troisième vague en
partant des discours et des identités qui la compose dans l’espace européen. Un
deuxième axe rendra compte des pratiques militantes et des nouvelles formes
d’engagement qui se sont modifiées au cours des dernières années au rythme des
changements technologiques induits par la révolution numérique des années 1990.
Axe 1 : Cartographies
féministes au XXIe siècle
- Notre réflexion abordera le renouveau
générationnel en examinant comment une nouvelle génération de féministes est en
train de se consolider depuis la fin des années 1990. Il s’agira d’infirmer ou
non l’affirmation d’une « rupture générationnelle » en examinant
comment ces jeunes femmes sont arrivées au féminisme. Comment se situent-elles
par rapport aux générations de féministes « historiques » ?
Qu’en est-il de la transmission/filiation du féminisme ? Nous souhaitons
partir de l’expérience individuelle des « jeunes féministes »,
examiner leurs cadres de références, leur identification ou « désidentification »
au féminisme de la deuxième vague en mettant en lumière leurs trajectoires et
leur capacité à forger un « féminisme du XXIe siècle », à
cheval entre la filiation avec les générations antérieures et la quête d’un
renouvellement du féminisme, hétérogène, en constante dispersion, souvent
empreint de contradictions mais qui a le mérite d’être porteur d’un nouveau
souffle et de nouvelles problématiques (précarité, immigration, racisme,
sexisme, prostitution, homophobie, transgenre, etc.).
- Le
travail lié aux questions des identités, et notamment des identités
sexuelles, sera au cœur de nos réflexions. Il est avéré que l’un des apports
majeurs de la troisième vague réside dans la « déconstruction de la
catégorie "femme"
comme référent unique et monolithique d’une supposée position féministe
dominante ». A mesure
que les lesbiennes et les gays obtiennent une reconnaissance de plus en plus légitime
aux yeux de la société hétérosexuelle, les différences au sein même de la
« communauté » peuvent s’exprimer. A partir des années 1980-90, on
assiste à une remise en cause des principes fondateurs du mouvement gay et
lesbien ; la contestation s’articule autour de deux questions
fondamentales : pourquoi la préférence sexuelle devrait-elle se concevoir
sur le mode d’une opposition entre homosexuel et hétérosexuel ? Pourquoi
la différence sexuelle biologique (mâle/femelle) serait-elle la clé de
l’identité ? Les bisexuels s’inscrivent en faux contre ce qu’ils nomment
« la normativité gay et lesbienne ». Les transgenres ouvrent la voie
d’une nouvelle perception de l’identité ; perception qui se différencie à
la fois de l’identité sexuelle biologique (mâle/femelle) et de l’identité liée
à l’orientation sexuelle (hétéro ou homo). Les queers ajoutent à cette remise en cause de la binarité normative,
la notion de fluidité. Pour reprendre
la définition de David Halperin : « Queer is by definition whatever is at odds
with the normal, the legitimate, the dominant. There is nothing in particular
to which it necessarily refers. It is an identity without an essence ».
Nous chercherons donc à comprendre dans
quelle mesure l’émergence de la théorie queer,
sous l’impulsion de l’ouvrage pionnier de Judith Butler, Gender Trouble (1990),
a influencé les féminismes contemporains.
Axe
2 : Les féminismes en action : modalités et stratégies de
militantisme
- Le deuxième axe du colloque envisagera
le renouveau des pratiques militantes et des répertoires d’engagement qui font
l’originalité des féminismes de la troisième vague. A partir des théories
développées par la sociologie de l’engagement et les sciences politiques, nous
nous demanderons en quoi consiste ce renouveau de l’engagement ? Quel est
le profil des militantes qui s’engagent dans le féminisme à l’heure
actuelle ? Comment se pose la question nouvelle de l’engagement des hommes
aux côtés des militantes féministes ? Dans quelle mesure cet engagement masculin questionne-t-il le
principe de la non-mixité cher au féminisme de la deuxième vague et
apporte-t-il un éclairage nouveau sur la construction des masculinités ?
- Nous serons également sensibles, sous l’impulsion de la crise économique
et de la crise de la représentation politique, au renouveau de la
« culture de la contestation » qui se traduit par une internationalisation des stratégies de
l’activisme féministe radical, par la consolidation de réseaux de solidarité
féminins et de "jeunes" collectifs qui revendiquent, dans des
registres différents, un « féminisme de la rue », transgressif,
subversif, ludique ou décalé dans le but de marquer une césure forte avec le
féminisme institutionnel, onusien ou académique.
- S’il est toujours d’actualité de descendre dans
la rue et de manifester sous les formes les plus classiques, les collectifs qui
composent la troisième vague semblent soucieux d’inventer de nouvelle forme de
militantisme. Nous examinerons en ce sens les
répertoires d’action de ces « nouveaux féminismes ». En quoi ces
collectifs des années 2000 se démarquent-ils des collectifs plus anciens ?
Peut-on identifier des points de convergence entre les pratiques militantes
actuelles et celles des vagues précédentes ? En ce
sens, le colloque entend faire une place de choix aux nouveaux outils du
militantisme. Depuis l’avènement de la révolution technologique des années
1990, Internet est devenu un instrument à part entière du militantisme
contemporain. Peu de collectifs peuvent faire l’économie, dans leurs pratiques militantes,
de la « puissance décuplante »
et réticulaire d’Internet. Dans ce contexte, nous examinerons comment
les féministes du XXIe siècle se sont emparées des ressorts
qu’offrent les technologies informationnelles, ainsi que le cyberféminisme
transnational comme un nouvel instrument de lutte féministe. Les réflexions
autour de l’usage militant d’Internet seront les bienvenues, notamment à
travers l’essor du militantisme "digital" : réseaux sociaux
(Facebook, Twitter, etc.), plateformes féministes en ligne, blogs. Ces nouveaux
médiums ne seraient-il pas en train d’agir comme des espaces de libération de
la parole entre femmes (réactivant ainsi une forme de sororité ?) en
permettant d’articuler les dimensions publique et privée, l’expérience
collective et individuelle, et de donner corps à de nouvelles identités ?
Mots
clés :
Femmes, Genre, Identités de genre, Queer,
Féminismes, Vagues féministes, Masculinité, Activisme, Militantisme 2.0, Cyberféminisme,
Nouveaux outils de la communication.
Catégories :
Histoire, Histoire du genre et du féminisme, Sociologie, Langues et
civilisations, Anthropologie, Sciences Politiques, Sciences de l’information,
etc.
Comité
scientifique :
- Karine Bergès, MCF civilisation espagnole
contemporaine, Université de Cergy-Pontoise
-
Alexandrine Guyard-Nedelec, MCF civilisation
britannique contemporaine, Université de Cergy-Pontoise
- Florence Binard, MCF HDR civilisation britannique,
Université Paris Diderot – Paris 7
- Azadeh Kian, PR sociologie, Université Paris Diderot –
Paris 7
- Michel Prum, PR civilisation britannique,
Université Paris Diderot – Paris 7
- Françoise Barret-Ducrocq, PR émérite
civilisation britannique, Université Paris Diderot – Paris 7
- Cendrine Marro, MCF HDR Psychologie sociale,
Université UPOND
- Mercedes Yusta, PR Histoire espagnole contemporaine,
Université Paris 8 – Saint-Denis Vincennes
Conditions
de soumission :
Les
propositions de communication ne devront pas dépasser 500 mots (français,
anglais ou espagnol) accompagnées d’une mini bio-bibliographie et devront être
adressées avant le vendredi 10 janvier 2014 à feminismesxxie(at)gmail.com
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