APPEL A CONTRIBUTION : CONTINUITE, CONSERVATISME, CLASSICISME:
UNE LITTERATURE POSTCOLONIALE A CONTRE-COURANT?
Colloque organisé conjointement par les groupes de recherche META
(Orléans) et GRAAT (Tours), les 2 et 3 décembre 2010 à Orléans.
Si la critique postcoloniale a été particulièrement opérante dans son
effort de reconfiguration du canon (occidental, impérialiste,
masculin) et de constitution d'un corpus de « nouvelles »
littératures, elle est aujourd'hui remise en question comme méthode à
plus d'un titre, en raison notamment des transformations conjointes du
champ des représentations et du politique (relativisme critique,
effacement des questionnements poétiques, politiquement correct, etc.).
Tandis que la critique postcoloniale se fonde sur l'idée d'une rupture
débouchant sur l'émancipation de l'individu contre les logiques
hégémoniques du colonialisme (« aspirant à donner au colonialisme une
visibilité dans le monde et contribuant à son obsolescence », G.
Huggan 2008), elle pourrait échouer à rendre compte de la diversité
idéologique, politique, et esthétique de la littérature postcoloniale
en ignorant ses formes de continuité et de retour en arrière. Dans un
contexte contemporain qui valorise les postures multiculturelles
(hybridité, créolité, relativisme), on pourra réfléchir à la nécessité
d'une critique qui prendrait en charge les notions de tradition, de
résistance au nouveau, voire de collaboration. On pourrait se référer,
par exemple, à la demande d' « intolérance » formulée par Slavoj Zizek
dans le cadre de sa critique du multiculturalisme (2004), à la
déconstruction par Laurent Jenny de la métaphore « terrorisante » de
la littérature comme forcément « révolutionnaire » (2008), ou encore à
la réévaluation des écrivains « antimodernes » d'Antoine Compagnon
(2005).
Nous invitons les participants à proposer des lectures d'auteurs
postcoloniaux trop rapidement condamnés pour conservatisme tels que
V.S. Naipaul, Nirad Chaudhuri, J.M. Coetzee, alors même qu'un marché
de l'édition particulièrement porteur favorise la publication d'une
littérature des communautés et des revendications identitaires. Nous
pourrons également repenser la dimension nostalgique, classique,
universelle, des oeuvres des grandes figures de la lutte
anti-impérialiste comme Rushdie, Achebe ou Walcott. Envisager la
possibilité paradoxale d'une arrière-garde de la littérature
postcoloniale pourrait aussi nécessiter une relecture de ses
prédécesseurs directs, tels que Conrad, Kipling, Waugh, Greene, qui
tous proposent une réflexion complexe et polémique sur l'entreprise
coloniale.
Ainsi cette conférence se voudra résolument le lieu d'une réflexion
sur la dimension politique de la littérature contemporaine et sur sa
capacité à résister aux catégories politiques établies de la Cité
(droite/gauche, progressisme/conservatisme). Quels outils élaborer
pour penser le conservatisme et l'eurocentrisme en évitant l'écueil du
combat réactionnaire? Comment rendre compte d'auteurs qui ne se
sentent pas nécessairement solidaires des générations qui les ont
précédés et qui écrivent sans que leur projet puisse être lu comme
l'écho d'un peuple ou d'une communauté ? Comment interpréter le
classicisme (dans le style, les thèmes) dans un contexte critique qui
veut que surgisse dans la langue le nouveau et l'hybride, au plus près
du mélange cosmopolite que presse la mondialisation ? Est-il possible
de donner sens au littéraire postcolonial sans ignorer les logiques
économico-politiques de l'édition (prix littéraires, adaptations
cinématographiques) ou de la muséologie (« arts premiers » en France,
etc) ?
Les propositions de communication, accompagnées d'une courte
biographie, en français ou en anglais, pourront être adressées à
cecile.girardin@univ-orleans.fr et philip.whyte@univ-tours.fr avant le
15 juin 2010. Nous attirons votre attention sur le fait qu'un atelier
de doctorants sera organisé pendant la conférence.
Comité scientifique: Philip Whyte (Tours), Héliane Ventura (Orléans),
Karin Fischer (Orléans), Silvia Albertazzi (Bologne).
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