08 mars 2011

Séminaire "Les langues de l'échange savant" - 10 mars

« Les langues de l'échange savant, 1660-1740.
La traduction scientifique et technique: pratique et enjeux »


Centre Alexandre Koyré-CRHST, Muséum national d’histoire naturelle, 57 rue Cuvier, 75005 Paris, Pavillon Chevreul (3e étage), (Métro Jussieu), Jeudi 10 mars 2011, 10h-12h


WU Huiyi (Université Paris VII et Istituto italiano di Scienze Umane, Florence) :

« Entre la visibilité du traducteur et la reconstruction de l’auteur :
la traduction de textes chinois par des jésuites français dans la "Description de l’Empire de la Chine et de la Tartarie chinoise" (Paris, 1735).
L’exemple d’un texte de sériciculture traduit par F.-X. Dentrecolles »


Si le XVIIIe siècle français a connu une floraison de traductions scientifiques depuis tous les horizons et une multitude de langues, cet exposé s’intéressera particulièrement au cas de la traduction à partir du chinois, une langue sans contact direct avec le monde francophone, et que personne ou presque ne lisait en France. Les traductions en question, qui touchent à tous types de domaines, étaient en fait l’œuvre de jésuites missionnaires en Chine, immergés quotidiennement dans la langue source mais à mille lieues de la culture cible. Comment situer ces traductions dans la cartographie générale de la traduction scientifique française de l’époque ? Quels sont les points qu’elles partagent avec les traductions intra-européennes, et quels sont les enjeux qui leur sont propres, du fait de l’identité missionnaire de ses acteurs, ou des conditions épistémologiques et existentielles spécifiques imposées par la société chinoise, dans lesquelles évoluaient ces missionnaires ?
Gardant à l’esprit ces interrogations, cet exposé prendra l’exemple concret d’un texte sur la sériciculture, tiré d’un traité d’agronomie et traduit par F.-X. Dentrecolles (1664 – 1741, en Chine à partir de 1699), et publié dans la monumentale "Description de l’Empire de la Chine et de la Tartarie chinoise" (Paris, 1735). Ce texte d’une dizaine de pages en dit long sur la complexité du processus de domestication et de transfiguration auquel est soumis le texte chinois, ainsi que sur la délicatesse de notre tâche d’historien, qui est de reconstituer ce processus. Nous tenterons de comprendre, d’un côté, la structure interne des (possibles) originaux chinois, leurs protocoles éditoriaux, qui « traduisent » une certaine notion d’ « auteur », et de l’autre côté, le statut du « traducteur » qui s’affirme dans le texte français et vis-à-vis son original chinois. Par une confrontation de ces deux ensembles de données, notre objectif n’est pas de juger de la « fidélité » ou non de la traduction, mais de comprendre dans ses propres termes les implications d’une traduction historique, traduction qui peut aussi, dans une certaine mesure, être considérée comme une « translation » entre deux mondes de livres.

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