Appel à contributions
Call for Papers
Valeurs indiennes : la diaspora au féminin/Indian values: Diaspora and womanhood
DESI, La revue, Diasporas : Études des Singularités Indiennes
La revue pluridisciplinaire à comité de lecture DESI (Diasporas: études des singularités indiennes) prépare un numéro thématique (n°3) consacré aux relations entre migration, genre et valeurs indiennes (parution prévue pour automne 2014). Toutes les contributions questionnant les valeurs indiennes (contenu, signification, évolution de ces valeurs en fonction des multiples dé- et re-placement), la place des femmes et l’évolution des rapports sociaux dans la migration et leurs effets sur la définition de ces valeurs seront les bienvenues. L’appel s’adresse aux chercheurs jeunes ou confirmés et issus de différentes disciplines.
Argumentaire:
La littérature et le cinéma indiens apparaissent comme des témoins privilégiés du champ de multiplicités qui se tisse de nos jours entre l’Inde et l’Occident. Si un des thèmes de prédilection de ces deux domaines artistiques de la diaspora reste la rencontre avec le monde occidental et la redéfinition identitaire qui en découle, force est de constater qu’aujourd’hui, les mutations de la société indienne contemporaine et les nouvelles formes d’immigration (mouvements de dé- et re-placement) ont provoqué d’importants changements dans la représentation du migrant indien.
Que cela soit dans ces deux domaines artistiques, ou encore dans des disciplines des humanités (géographie et anthropologie particulièrement), le migrant indien est généralement présenté comme acteur d’une migration qui s’envisage de moins en moins comme une rupture définitive avec son pays d’origine que comme une opportunité d’ascension sociale et d’accession à des biens de consommation (Percot, 2005). Ce qui a également changé, « c’est l’identité des producteurs d’exotisme : ils ne sont plus largement occidentaux, mais indiens eux-mêmes. Des Indiens hors de l’Inde, qui la reconstituent chaque jour à leur(s) façon(s), à l’étranger » (Béneï, 2005). Cet exotisme est largement le fait de NRI, principaux producteurs des imaginaires de la diaspora et de l’indianité. Songeons par exemple à la figure du NRI souvent incarnée au cinéma par Sharukh Khan – que cela soit dans Pardes dirigé par Subhash Ghai en 1997, ou encore dans Dilwale Dulhania Le jayenge dirigé par Aditya Chopra en 1995.
Ces films de Bollywood de la décennie 1990 dépeignent les NRI, comme des personnages à mentalité cosmopolite, parlant avec l’accent anglais ou américain, mais restés fidèles de cœur et d’esprit à tout ce qui est indien. En cela, ils participent souvent à la diffusion d’une image de l’Inde mythique, unie et essentiellement hindoue, dans laquelle les valeurs indiennes sont essentielles. Et il semblerait, qu’au sein de ces images, pour se réinventer un pays dans l’autre, les femmes constituent les « gardiennes des traditions », celles qui sont le plus à même de transmettre ces « valeurs indiennes ».
Dans plusieurs œuvres de la littérature diasporique (par exemple dans celles de Jhumpa Lahiri, Chitra Banerjee Divakaruni ou encore chez l’écrivaine sri-lankaise Roma Tearne) les personnages féminins occupent une position particulièrement conflictuelle dans un champ de tensions où l’intégration des valeurs « non-indiennes » est généralement perçue par leurs communautés (contraintes du cadre de la famille élargie notamment), et parfois par elles-mêmes, comme une trahison de valeurs typiquement « indiennes » : le sens d’appartenance reste parfois conditionné à un cloisonnement culturel qui a pour effet de figer les traditions dans le temps et de rendre les rapports de genre plus rigides. Dans beaucoup de ces œuvres littéraires, mais également dans ce qui est décrit par certains chercheurs l’installation dans un pays occidental est loin d’être un support d’émancipation et génère au contraire des situations de dépendances nouvelles du sujet féminin vis-à vis de son époux.
Ces situations sont sans nul doute à mettre en perspective avec le projet migratoire, généralement initié par les hommes, ou du moins construit en tant que tel. En effet, prenant le cas des Etats-Unis, la migration des femmes n’est souvent pas une « success story » comme le souligne Shivali Shah (2004). Les femmes anglophones indiennes hautement qualifiées venant aux Etats-Unis pour rejoindre leurs époux (après un mariage arrangé) disposant d’un visa H-1B également hautement qualifiés, ne sont pas autorisées à travailler en vertu des dispositions du visa H-4. Ces « H-4 wives » comme on les appelle sont particulièrement vulnérables, et deviennent parfois des victimes de violences domestiques. Ici, les politiques publiques, apparemment neutres, produisent des effets genrés et créent notamment des situations de dépendance.
Ainsi, si une migration massive des hommes conduit, dans certains cas, comme au Kerala, à une autonomie plus grande pour les épouses restées au pays (Gulati, 1993), il semblerait que la migration des femmes indiennes pour rejoindre leurs maris NRI est souvent source de tensions et parfois même de meurtrissures. A l’opposé, Marie Percot (2005), a montré que le projet migratoire des indiennes qualifiées (en l’occurrence les infirmières) initié par une volonté familiale d’ascension sociale et d’accès aux biens de consommation, aboutit à faire naître chez leurs filles et/ou belles-filles des aspirations à plus d’autonomie et plus d’individualisme qui aboutissent à une remise en cause, de fait, des valeurs sociales traditionnelles.
L’ambition de ce numéro est double. Il s’agit, d’une part, de questionner à travers les arts, le cinéma et la littérature indienne de diaspora les représentations du genre en migration ; et d’autre part, déterminer qu’est-ce qui en migration change dans les rapports de genre et de quelles manières ceux-ci s’éloignent-ils du modèle dominant en Inde.
Toutes les contributions questionnant les valeurs indiennes (contenu, signification, évolution de ces valeurs en fonction des multiples dé- et re-placement), la place des femmes et l’évolution des rapports sociaux dans la migration et leurs effets sur la définition de ces valeurs seront les bienvenues.
The
pluridisciplinary peer-reviewed journal DESI (Diasporas : études des
singularités indiennes) is planning a special thematic issue (3) on the
relationships between migration, gender and Indian values (publication
scheduled for Autumn 2014). We are looking for contributions on the
questioning of Indian values (content, significance, evolution of Indian
values in a context of dis- and re-placement), the place of women and
the evolution of changing social relations in migration and their
effects on the definition of these values. The CFP is destined to young
and confirmed researchers from a wide range of disciplines.
Argument
Indian cinema and literature bear witness to the multiplicity of exchanges materializing between India and the West. The most common theme of these diasporic media remains the encounter between East and West and its subsequent redefinition of identity; yet, mutations in Indian society together with the new forms of migration have helped shape a radically new image of the Indian migrant.
The image of the new Indian migrant, in films, fiction, or in anthropology and geography has morphed into the image of the migrant as actor of their own migration which is now perceived less as a radical break from their country of origin than as an opportunity for social and material improvement (Percot 2005). Change is also present in the “identity of the purveyors of exoticism: they are no longer exclusively Western but Indian. Non-resident Indians fabricate it every day from abroad” (Béneï, 2005). This new form of exoticism is by and large produced by the community of NRIs who are reinventing new forms of diasporic imagination together with a redefinition of Indian identity. A perfect example of such an evolution is the character of the NRI often embodied by Sharukh Khan in Subhash Ghai’s 1997 Pardes or in Aditya Chopra’s emblematic DDLJ. These Bollywood films from the 1990s depict NRIs as British or American-educated cosmopolitans, but whose hearts remain faithful to Indian tradition. They contribute to the image of a united, predominantly Hindu, mythical India in which “Indian values” are paramount. Women seem to be the best “keepers of tradition” and bearers of “Indian values” in that constant movement of reinvention of identities from one country to the other.
In diasporic fiction (Jhumpa Lahiri, Chitra Banerjee Divakaruni or Sri Lankan novelist Roma Tearne) female characters hold particularly uncomfortable positions at cultural crossroads where the integration of “non-Indian” values is perceived by the community (within the limiting frame of an enlarged family) and themselves as the betrayal of typically “Indian” values: the sense of belonging which is sometimes conditioned by cultural stereotyping, thus keeping men and women in a limbo of straight-laced traditions and relationships. In many novels and in scientific descriptions as well, settling in a Western country is far from being a factor of emancipation and, on the contrary, generates new situations where wives are even more dependant on their husbands.
These situations must certainly be seen from the broader perspective of the personal project of migration, generally initiated by men or at least constructed as such. In the US for example, the migration of women is more often than not the opposite of a success story, as Shivali Shah underlined (2004). Highly qualified English-speaking women who join their husbands (after an arranged marriage) are granted the H-1B visa for the highly qualified and yet are forbidden to enter the labor market according to the provisions of the H-4 visa. These “H-4 wives” are therefore particularly vulnerable and sometimes become the victims of domestic abuse. In this particular case, apparently neutral public policies have gendered effects and promote situations of dependence.
Although the mass migration of males, as in Kerala, has granted autonomy to the women who remained at home (Gulati, 1993), it seems the migration of Indian wives to join their NRI husbands has often been the source of tensions and grievances. Conversely, in the case of Indian female nurses, Marie Percot (2005) has demonstrated that when the migration project stems from a desire for social self-improvement and wider access to consumer goods, daughters and wives long for more autonomy and more individualism, eventually putting into question traditional social values.
The thrust of this issue is twofold: first, it aims at questioning the representations of gender in migration in art, cinema and literary productions; then, determining the element that modifies in migration the relationships between the genders and creates an unbridgeable gap with the Indian model.
All the contributions questioning Indian values (content, significance, evolution of these values in favour of a multiplicity of dis- and re-placement), the place of women and the evolution of social rapports in migration and the effect it has on the definition of these values will be welcome.
Références bibliographiques (indicatives)
- Véronique Bénéï. « L’Inde à l’étranger. Imaginaire, diaspora et nationalités ». L’Homme, EHESS, 2005, n°173, pp. 177-185.
- Christian Ghasarian, Honneur, chance et destin. La culture indienne à La Réunion. Paris, L'Harmattan, 1992.
Sissy Helff, Unreliable Truths: Transcultural Homeworlds in Indian Women's Fiction of the Diaspora. Amsterdam : Rodopi, 2013.
Marie Percot. Les infirmières indiennes émigrées dans les pays du Golfe : de l’opportunité à la stratégie. REMI, vol 21, n°1, 2005, pp. 29-54.
- Shukla Sandhya. India Abroad. Diasporic cultures of postwar Amarica and England, Princeton, Princeton University Press, 2002.
- Shivali Shah. “Trapped on a H-4”. The Hindu, 28 november, 2004. En ligne: http://www.hindu.com/mag/2004/ 11/28/stories/ 2004112800380300.htm
- Sunaina Maira, Desis in the House: Indian American Youth Culture in New York City, Philadelphia, Temple University Press, 2002.
Conditions de soumission
L’appel à contribution s’adresse aux chercheurs jeunes ou confirmés et issus de différentes disciplines. Les articles, rédigés en français ou en anglais, comporteront environ 40 000 signes (plus les illustrations). Ils devront être envoyés avant le 3 mars 2014 à Anthony Goreau-Ponceaud (anthonygoreau@yahoo.fr) et Paul Veyret (Paul.Veyret@u-bordeaux3.fr).
Calendrier
1 décembre 2013/1 Dec. 2013 : Date limite d'envoi des propositions de contribution (250 mots avec court cv) /submission deadline for contribution proposals (250 words with short resume).
15 mars 2014/15 March 2014 : Date limite d'envoi des articles pour soumission à comité de lecture/Deadline for submission to peer-review committee.
Novembre 2014/ November 2014 : Publication du N°3 de Desi, La revue
Contact
Anthony Goreau-Ponceaud Paul Veyret
Université Bordeaux IV Université Bordeaux 3
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